Dans les kiosques et les boites aux lettres voici que vient d’arriver la deux-cent quarante-et-unième édition de Réponses Photo (votre magazine favori, je sais).

La photo de couverture est forte, c’est le moins que l’on puisse dire, et signée Gilles Caron, un nom qui est devenu un symbole du photojournalisme — voir l’édito de Sylvie Hugues que nous reproduisons plus bas. Un portfolio majestueux et un article signé Jean-Claude Gautrand lui rendent hommage, au moment de la sortie du livre Gilles Caron Scrapbook, aux éditions Lienart, et sous les feux de l’actualité avec la disparition de Rémi Ochlik.

Autres portfolios de ce numéro :

Eric Marrian, qui avait remporté le premier prix d’un concours de Réponses Photo en 2005, et qui depuis a fait du chemin pour arriver dans des galeries prestigieuses. Il raconte son parcours étonnant, avec franchise. Plein d’enseignements si vous avez déjà accroché vos images sur des murs ou rêvez de le faire.

Katherine Longly a visité les campings de Belgique. Comme ça, vous me direz spontanément qu’il y a des sujets plus sexy que celui-ci, mais ce sera avant d’avoir vu ses images, qui combinent étude sociologique (ethnologique, même) et sourire en coin.

Avez-vous entendu parler de la Guilde du Livre ? C’était un éditeur Suisse qui a publié 84 ouvrages superbement imprimés, dont de nombreux ont marqué l’histoire de l’édition photographique. Réponses Photo vous propose d’en redécouvrir 7, mythiques, signés Doisneau, Prévert, Izis, Strand, Stock et autres.

 

Une grande partie de ce numéro est consacré au reflex. Après une année de disette, compliquée par les catastrophes météorologiques du Japon et de Thailande, c’est un tsunami (pardon !) de nouveaux modèles qui déferle, dont deux poids lourds très attendus : le Canon EOS 5D Mark III et le Nikon D800. Si les modèles de série ne sont pas encore disponibles pour test (ça sera pour le numéro suivant), on peut déjà dire beaucoup de choses sur leur fiche technique et une prise en main « à blanc ». Cette actualité est l’occasion pour l’équipe rédac de faire le portrait du reflex idéal : 6 points de vue, dont certains points convergent, d’autres non. Philippe Bachelier, dont on connaît l’exigence, a été désigné volontaire pour partir en vacances avec un kit reflex à 450 € autour du Canon EOS 1100D, un produit « spécial débutant ». Sans vous dévoiler son bilan, à découvrir en mots et en images, il a eu quelques surprises. Et puisqu’on parle budget serré, vous lirez avec intérêt le test de 5 objectifs Tokina.

Voilà pour le tour d’horizon de ce numéro, bien entendu agrémenté des rubriques habituelles, de nombreux conseils pratiques, des concours, des tests…

 

 

 

Avant de vous souhaiter bonne lecture, comme promis l’édito de Sylvie à propos de Gilles Caron et Rémi Ochlik :

Témoigner, forcément…

Mercredi 22 février, j’apprends par un flash d’info que deux journalistes, dont un photographe français, Rémi Ochlik, ont été tués lors d’un bombardement à Homs, en Syrie. Rémi Ochlik, né en 1983… Troublante coïncidence, je reçois cette info alors que je suis en train d’apporter les dernières touches au portfolio consacré à Gilles Caron. Comment ne pas faire le parallèle entre les deux hommes, les deux trajectoires ?
Tous les deux, animés par la passion d’informer, sont partis très jeunes sur des conflits et des pays en guerre. Sur sa propre initiative, Gilles Caron couvre la guerre des Six Jours, à l’âge de 27 ans. À 20 ans, Rémi Ochlik, sans garantie ni contrat, se rend en Haïti photographier la chute du président Aristide. Tous les deux ont soif d’indépendance et créent leur propre agence. Pour Gilles Caron, ce sera Gamma, avec Raymond Depardon, Hubert Henrotte… En 2005, Rémi Ochlik fonde l’agence IP3 Press avec Christophe Bertolin et Grégory Boissy. Comme pour Gamma, la structure a vocation de couvrir l’actualité politique, sociale et économique, mais les jeunes reporters sont irrésistiblement attirés par l’international… Caron ira ensuite au Biafra, en Irlande du Nord, au Tchad… mais ce seront surtout ces images de la guerre du Vietnam qui marqueront les esprits… En 2008, Rémi Ochlik se rend au Congo et dans les pays arabes : Égypte, Tunisie (où il assiste à la mort de son ami, le photoreporter Lucas Dolega). Quant à ses photos de Libye, elles viennent d’être récompensées par le prestigieux World Press Photo, dans la catégorie “news stories”.

Gilles Caron a disparu sur une route au Cambodge, à l’âge de 30 ans. Rémi Ochlik est décédé à 28 ans… Rémi Ochlik connaissait sûrement les photos de Gilles Caron, il est d’ailleurs probable qu’elles aient été à l’origine de sa vocation à devenir un témoin du monde. Le mois dernier, c’est le journaliste de France 2, Gilles Jacquier qui disparaissait, alors que nous donnions la parole à Mani, ce photojournaliste “anonyme” qui fut un des premiers à entrer dans Homs. Le rôle du reporter a toujours été de témoigner et rien ne remplace la force des images dans une séquence d’actualité. Dans l’urgence de la guerre,
plus personne ne se pose de questions techniques, esthétiques ou numériques. Seules les questions humaines et éthiques demeurent. De Capa ou Caron à Rémi Ochlik, Lucas Dolega, Chris Hondros ou Tim Hetherington, rien n’a finalement changé. Le travail du photographe de guerre reste fondamentalement dangereux et le besoin de témoigner sera toujours plus fort que les censures érigées par les dictatures. La photographie reste un reflet du monde, c’est sa nature première, sa raison d’être. Et même si beaucoup de jeunes artistes s’affranchissent de l’actualité, voire même du réel, leurs images témoignent aussi de notre planète en 2012. L’appareil photo est autant un outil culturel que politique. La forte présence des styles documentaires dans la photo dite “artistique” le prouve. Tout se tient, il existe de multiples photographies et des centaines d’approches différentes de cet “art”, mais il y a aussi, incontestablement, une communauté d’esprit entre les photographes. Et quand un jeune photoreporter est tué, tous les photographes sont touchés…

Sylvie Hugues