Une nouvelle fois, Instagram vient de modifier son interface. Dans le principe, pourquoi pas, mais une nouvelle fois cela ne va pas dans le bon sens. Le bouton « + » de publication et les notifications, facilement accessibles en bas de l’écran, sont reportées en haut, et remplacées par les « reels » et le shopping. Reels, c’est le service de vidéos lancé pour concurrencer TikTok et le shopping se fait encore plus envahissant.

Ce procédé très limite, nommé « dark pattern », est bien décrit par Harry Brignull dans Le Monde (article réservé aux abonnés) : « Tout design est un acte de persuasion, il y a toujours un objectif en vue. Je pense qu’ils savaient exactement ce qu’ils faisaient quand ils ont ajouté ces nouvelles fonctionnalités à un endroit où les gens cliquent souvent : Instagram voulait y attirer ses utilisateurs, et c’était un moyen facile d’y parvenir. La définition d’un dark pattern est assez large. C’est une interface conçue pour manipuler ou pour tromper l’utilisateur de façon à ce que la personne qui en est à l’origine soit gagnante d’une façon ou d’une autre. Dans le cas d’Instagram, vous pouvez ranger la mise à jour dans cette catégorie, même si ce n’est en soi pas très grave. »

Une étape de plus dans la dérive d’Instagram d’un réseau social autour de la photographie vers un centre commercial virtuel. J’avais publié dans le numéro 327 de Réponses Photo (juillet – août 2019) une chronique sur ce sujet, que voici :

Instagram était une bonne idée, mais il faut faire le constat qu’il est de moins en moins adapté aux photographes. De l’outil de partage sympathique qu’il était au départ, on est passé à une grosse machine prétendument “sociale”, visant les millenials, dont les algorithmes dictent ce que les utilisateurs voient, et même publient. Le rendez-vous pour voir les dernières photos publiées par les personnes que vous aviez choisi de suivre se transforme en gloubi-boulga (référence culturelle datée, pardon aux millenials) où réapparaissent des photos que vous avez déjà vues et où disparaissent de nouvelles photos que vous aimeriez voir. Les stories éphémères nous encombrent, tout comme les vidéos, encouragées car elles génèrent plus “d’engagement”. Un peu comme les inventeurs du clavier de machine à écrire ont mélangé les lettres pour rendre la frappe plus lente, les opérateurs d’Instagram compliquent le système pour que les visiteurs perdent plus de temps dans l’application, histoire de caser plus de pub. Les dernières modifications (présentées comme des améliorations) jouent à fond la carte du shopping, avec la possibilité de taguer des produits qu’on pourra acheter directement depuis l’app, produits recommandés par les fameux influenceurs. Comme diraient certains “on n’est plus chez nous”.

Mais où le photographe peut-il bien aller pour retrouver un sens de communauté et de partage apprécié aux premières heures d’Instagram ? Facebook suit la même pente depuis longtemps, et c’est toujours plus compliqué de l’utiliser correctement. Avant, la bonne pratique était d’avoir sa page publique parallèlement à son profil privé. Les pages sont maintenant moins visibles et, comme plus personne ne met d’info trop privée sur son profil, autant l’utiliser en s’ouvrant à plein de nouveaux amis qu’on ne connait pas. Le séduisant Tumblr a sombré dans le puritanisme à l’américaine et censure à tour de bras. L’historique Flickr s’est échappé de Yahoo et reprend du poil de la bête chez ses nouveaux proprios SmugMug, tout en doublant ses tarifs. L’outsider Eyeem est devenu un site de photos de stock. L’adobien Behance est orienté commercial. Le puissant Google+ est mort. 500px et DeviantArt restent en circuit fermé. L’avenir est-il du côté de nouveaux venus comme Ello, Vero, Steller, Visura ? Mais peut-être faut-il revenir aux fondamentaux avec un bon vieux site web et une newsletter…