Chaque année, l’association Gens d’Images décerne le Prix Nadar, en quelque sorte le Goncourt des livres de photographie. Il a été attribué cette année à l’ouvrage « Vers l’Orient » du photographe Marc Riboud publié par les Editions Xavier Barral. C’est également l’occasion de vous présenter un livre d’entretiens avec le photographe.

Vers l’orient, est en fait un ensemble de cinq livres, cinq carnets de note photographiques de Turquie, Iran, Afghanistan, Pakistan, Inde, Chine et Japon, photographies prises entre 1955 et 1958.

Présentation de Xavier Barral :

Comme beaucoup d’autres avant lui, Marc Riboud a eu besoin de partir, de quitter la France, sa famille et la reconstruction de l’après-guerre. Âgé de 30 ans, ingénieur de formation, il achète la vieille Land Rover de George Rodger et se met en route au printemps 1955. Sans avoir lu ni les grands récits de Nerval ni ceux de Segalen, il a été bercé en revanche dès très jeune par les récits de voyage de son père, de retour d’un tour du monde entrepris dans les années 1910.

Désireux de découvrir ces civilisations millénaires, il s’arrête d’abord à Istanbul, avant de poursuivre son chemin par les admirables paysages de Cappadoce et d’Anatolie. Il traverse la Perse pour rejoindre l’Afghanistan et ses zones tribales, comme l’avait fait peu de temps avant lui Nicolas Bouvier. En 1956, il arrive en Inde, sa destination initiale, qu’il sillonne pendant près d’une année : Calcutta, Bombay, Delhi, Darjeeling, le Rajasthan, Bénarès jusqu’au Népal. C’est de là qu’il entre en Chine communiste, où il est l’un des rares Occidentaux à obtenir un visa. Il termine son « Grand Tour » au Japon en 1958, alors en pleine reconstruction après la guerre et en pleine mutation sociétale. De retour en France, Marc Riboud ramène des milliers de photographies, traces de ces cultures ancestrales, que l’on retrouve partout, dans les monuments, les gestes, la beauté des femmes, l’hospitalité des gens, le temps qui n’est pas compté. Ceux qui connaissent l’Orient d’aujourd’hui découvriront peut-être dans ces photos réalisées il y a près de soixante ans ce qui reste quand tout semble changer, et, derrière l’occidentalisation grandissante, le fil caché de l’intemporalité.

Ce prix est l’occasion de redécouvrir un photographe de grand talent, à la fois reporter et poète visuel. Il a la réputation justifiée d’être très secret, mais le petit livre « Marc Riboud, Paroles d’un taciturne » révèle sa personnalité à l’occasion d’entretiens avec Bertrand Eveno. Celui-ci connait bien Marc Riboud, et ce livre passionnant est une conversation amicale, l’auteur posant les questions que vous aimeriez poser si le photographe était à côté de vous lors d’une soirée au coin du feu.

Robert Delpire, l’éditeur, présente le livre :

Vous avez dit taciturne ?

Mais alors, dit le lecteur, voilà qui est paradoxal.
Ce monsieur Riboud qui se raconte ici, qui parle de son enfance et de sa famille, de ses reportages, de sa visite à Ho Chi Minh, de ses photographies célèbres, de la jeune Américaine qui offre une fleur aux soldats, du peintre de la tour Eiffel, parmi tant dʼautres…
Tout ce quʼil dit ici, qui mʼa passionné, et vous le trouvez avare de paroles ?
Mais, monsieur le lecteur, cʼest que vous ne savez pas à quel point Marc Riboud est volubile en images, que lʼimage est sa vie, que ce bonheur de lʼoeil dont il parle si bien, cette nécessité quʼil a de fixer ce quʼil voit, la guerre dʼAlgérie, cette Chine quʼil adore, ces paysages du Huang Shang et du Rajasthan, tous ces pays quʼil a parcourus, lʼIran, lʼInde, lʼAfrique, cette œuvre, cʼest lui-même, un des grands imagiers de son temps.

La chance que nous avons eue cʼest de le faire parler avec Bertrand Eveno, qui connaît aussi bien lʼhomme que le médium. Leur amitié et leurs souvenirs croisés vous révèlent cet autre aspect dʼune si riche nature et dʼun talent si rare.

Vers l’Orient, Marc Riboud, Ed. Xavier Barral 2012

Marc Riboud, Paroles d’un Taciturne, Entretiens avec Bertrand Eveno, Ed. Delpire 2012