J’ai passé l’été avec un petit gadget dans mon sac, envoyé par Emmanuel Lafont qui anime le site profilicc.com et distribue les chartes TrueColors — le gadget en question. Le principe est simple : avoir toujours avec soi une référence de couleur neutre pour garantir le respect des couleurs photographiées.

Tous les appareils ont des mesures automatiques de la balance des blancs, avec une série de préréglages (soleil, ombre, lumière artificielle…) et pour les plus sophistiqués un réglage manuel de la température de couleur. L’efficacité de cet automatisme est plutôt bon dans des conditions classiques, mais on en voit vite les limites si on recherche une fidélité rigoureuse, ou dans des conditions de lumière difficile : les sous-bois sont de vrais pièges, par exemple. Il y a d’autres cas où la fidélité n’est pas la meilleure solution : un portait sera plus flatteur si le résultat est un peu plus chaud (jaune / rouge) que la mesure objective.

En cas de doute, d’échec de la mesure automatique, ou dans un contexte demandant de la précision, il suffit de sortir cette charte de son fourre-tout. Voici deux exemples terrain, des cas assez parlants.

Toscane, 6h30 du matin, ombre

C’est à cette heure-là qu’il faut photographier en Toscane, ou alors tard le soir. Dans un petit village dont j’ai hélas oublié le nom, je vois une belle porte turquoise à l’ombre d’un porche. Je photographie, laissant faire la balance des blancs automatique de mon D200. Voilà ce que ça donne :

Jolies couleurs, mais aucun rapport avec celles que j’avais sous les yeux. Je sors ma charte, et je la pose sur la poignée de porte. Je prends une nouvelle photo. Une fois les photos chargées sur l’ordinateur, je glisse la pipette sur le gris de la charte, et hop, voici les couleurs qui reviennent telles que je les ai vues.

original                                   /    après avoir cliqué sur la charte

Il me suffit ensuite d’appliquer la température de couleur de l’image rectifiée sur ma première photo. Il est plus pratique de photographier en Raw pour reporter les valeurs, mais c’est jouable aussi en jpg.

Comment aurais-je fait sans charte ? A la prise de vues, j’aurais essayé divers réglages pour retrouver sur mon écran de contrôle les couleurs que j’avais devant les yeux, ou sur l’ordi j’aurais joué sur les curseurs pour retrouver ce que j’avais en mémoire, au risque de choisir des tonalités fantasmées (vous me direz, pourquoi pas…). On a ici des couleurs très délicates à traiter : un turquoise entre bleu et vert, et un ocre entre jaune et rouge — à l’opposé sur le cercle chromatique. Elles basculent très facilement d’un côté ou de l’autre.

Roses, midi, temps couvert à travers une verrière

Les fleurs sont toujours très délicates à traiter, et il est rare de retrouver sur les photos les tonalités naturelles. Ici, avec la balance des blancs auto du Nikon D700 (qui se débrouille en général assez honorablement), la rose apparaît plus bleue qu’en vrai.

Nouvelle photo en tenant la charte à côté du sujet :

Après traitement, on retrouve un rose beaucoup plus chaud et fidèle, comme le montre la première photo de cet article.

Pour continuer la séance de prises de vues, je me suis en fait servi de l’autre charte, la taille au dessus, pour faire une balance des blancs personnalisée. Certains reflex offrent cette possibilité. Il faut aller fouiller dans le menu balance des blancs, et prendre une photo témoin d’un objet neutre. Bien qu’il soit souvent dit dans les modes d’emploi de photographier une feuille de papier blanc, ce n’est pas la meilleure solution car il y a blanc et blanc, et même extra-blanc. J’ai souvent dû m’y prendre à plusieurs fois pour obtenir une balance correcte. Il est bien plus fiable de photographier un gris neutre, et les chartes de plus grand format sont faites pour ça.

Une fois la température de couleur enregistrée, toutes les photos sont calées directement.

Utile ou indispensable ?

Ces exemples parlent d’eux-même, ces chartes sont bien utiles à avoir à portée de main. Sont-elles indispensables ? Probablement pas car la justesse des couleurs n’est pas toujours le but recherché, et qu’en cas de défaillance de l’appareil, il est relativement facile de régler la question à la post-production pour arriver à un rendu plaisant à l’Å“il et suffisamment proche du souvenir qu’on avait de la scène.

Il est cependant des cas où il est difficile de s’en passer quand on a commencé à les utiliser. Une telle charte me parait indispensable pour les natures mortes (d’autant plus si elles ont une fin commerciale) et la macro. Flagrant avec l’exemple des roses ci-dessus. Idem pour les photos d’architecture. En photographie sportive, elles sont également très intéressantes car la mesure automatique donne des résultats très variables d’une photo à l’autre selon qu’on est en gros plan ou en vue générale, tourné vers la lumière ou non (il est préférable de se caler sur une température fixe et de débrancher l’automatisme). Elles sont fort utiles aussi en photo de mariage : entre les forts contrastes noir/blanc et les éclairages mixtes, la mesure automatique est souvent prise en défaut.

Mais même sans toucher à ces sujets délicats, on gagne beaucoup de temps à la post-production si on a une image de référence pour une série de photos prises dans les mêmes conditions de lumières. Un clic pour caler la balance sur la charte, et on applique le réglage en bloc à toute la série.

Les chartes TrueColors existent en 3 formats. Le plus grand est plus pertinent pour la vidéo que la photographie à mon avis. La plus petite est format carte de crédit, facile à glisser dans la poche, mais de taille insuffisante pour établir un préréglage, il faut alors la taille intermédiaire. Le pack petite + moyenne, à 39,90 €, me parait une bonne solution.

Toutes sont étalonnées avec mesure indiquée au verso, pour les perfectionnistes. Elles sont bien fabriquées, et montées sur une dragonne de cou, avec crochet, on peut aussi bien l’avoir dans le sac qu’autour du cou ou dans la poche. Elles ont bien résisté à l’été, si ce n’est quelques taches sur la plus petite, ma maman m’avait pourtant bien dit de me laver les mains après le déjeuner.

Solution du pauvre

J’ai en fait pratiqué cette technique pendant les 2 années où j’avais un téléphone Sony Ericsson avec un beau verso en plastique façon alu brossé, d’un gris très neutre. Démonstration sur un parterre de mousses en sous-bois :

après (mesure sur le téléphone dans Lightroom)  /  avant (balance auto)

Pour plus d’infos : www.truecolorscard.com

A noter sur ce site, des tutoriaux qui montrent toutes les manips dans les différents logiciels de traitement d’image.